Accueil > Publications > La Maison Sublime, l’École rabbinique & le Royaume Juif de Rouen > Du règne d’Henri II Plantagenêt à la reconquête de la Normandie par Philippe (…)
Les chartes octroyées par Henri II aux juifs d’Angleterre et de Normandie leur accordaient les mêmes privilèges que ceux reconnus vers 1150 aux bourgeois rouennais par les Établissements de Rouen. Ils pouvaient circuler librement, commercer avec l’Angleterre en franchise de douane, posséder des terrains et des biens, faire du crédit. Ils bénéficiaient de la protection des officiers du roi et les plaintes déposées contre eux par des chrétiens devaient être jugées par des pairs des juifs. Leur statut les assimilait aux bourgeois royaux qui s’inféodaient directement au roi et bénéficiaient, contre impôt, de sa protection. Ces chartes ont bien sûr favorisé la prospérité des communautés juives en Normandie, mais aussi l’épanouissement de leur culture et l’essor de l’érudition.
En 1194, en dépit de l’exemption d’impôts spéciaux dont ils bénéficiaient, une taille spéciale fut néanmoins levée sur les juifs de Normandie par le nouveau roi Richard Cœur de Lion (1189-1199), qui peinait à repousser les attaques de Philippe Auguste. Mais elle était à la fois beaucoup plus tardive et plus modeste que celles réclamées aux juifs anglais. Même durant cette période troublée, il n’était pas rare qu’un juif de Rouen prêtât de l’argent à un noble chrétien du royaume de France et vînt ensuite devant l’Échiquier de Normandie en réclamer la perception de force, moyennant un droit payé au roi d’Angleterre.
La pression croissante des troupes du roi de France sur Jean Sans Terre (1199-1204) amena les juifs anglais à vendre les propriétés qu’ils possédaient encore à Rouen. Le petit-fils de Rubigotsce -qui allait devenir archiprêtre du judaïsme anglais en 1207- vendit ainsi en 1203 aux deux fils Bonnevie (Yossi et Brun) les propriétés qui avaient appartenu à son grand-père dans le quartier juif. Les juifs rouennais avaient eux aussi du mal à s’acquitter des impôts de plus en plus lourds réclamés par le roi d’Angleterre, ce qui conduisait parfois en prison ceux de leurs coreligionnaires chargés d’en surveiller le recouvrement (Jacob le Juif en 1202, Bonechose et Joppin en 1203). Ils furent également privés des créances qu’ils possédaient, le roi Jean ayant déchargé les débiteurs de leurs obligations en récompense des services rendus pour la défense du duché.