Accueil > Publications > La Maison Sublime, l’École rabbinique & le Royaume Juif de Rouen > Le pogrom enclenché par la première croisade (1096)
Robert Courteheuse, successeur de Guillaume le Conquérant (mort en 1087), avait décidé de participer à la première Croisade lancée par le pape Urbain II, laissant en gage la Normandie à son frère Guillaume le Roux. La ferveur de ses Croisés ne tarda pas à se tourner contre les juifs.
Dès le départ de la Croisade, en septembre-octobre 1096, le clos-aux-juifs rouennais fut envahi et leurs habitants massacrés. Presque contemporain de l’événements, l’abbé Guibert de Nogent raconte que les Croisés rouennais se mirent un jour à relever la contradiction qu’il y avait à franchir de longues distances pour attaquer les ennemis de Dieu vers l’Orient, alors que les juifs, qui, de tous les peuples, sont les pires ennemis de Dieu, se trouvent devant nos yeux. Ceci équivaut à accomplir notre tâche à l’envers. Sur quoi, les Croisés emmenèrent de force les juifs dans un certain lieu de culte (…) et, sans distinction d’âge ou de sexe, les passèrent par les armes. Seuls y échappèrent ceux qui acceptèrent de se convertir. Un garçon, connu comme Guillaume le Juif, fut capturé par un noble, baptisé et élevé dans la religion chrétienne. Il devint moine à l’abbaye Saint-Germain-de-Fly et, abandonnant l’hébreu qui avait été sa première langue, rédigea même un traité en latin contre les juifs. Il est probable que, lors du pogrom de 1096, la synagogue et les institutions culturelles des juifs de Rouen ont été soit détruites, soit réaffectées à l’usage des chrétiens.
Des chroniqueurs contemporains comme Hugues de Flavigny ou Sigebert de Gembloux confirment que des pogroms comparables ont eu lieu un peu partout en France et en Allemagne, à Metz, Trèves, Cologne, Mayence, Prague et Ratisbonne.
Les persécutions rouennaises semblent s’être interrompues après le départ de la Croisade. En 1098 ou 1099, les juifs de Rouen qui avaient échappé au massacre supplièrent le roi Guillaume le Roux, qui assurait l’intérim de son frère Robert Courteheuse, d’accepter que les convertis de force reviennent à leur foi originelle. Ce que le roi accepta volontiers… moyennant finances.
Dès le règne d’Henri Ier Beauclerc (1100-1135), les juifs d’Angleterre et de Normandie eurent à nouveau le droit de posséder des terres, des revenus, des hypothèques, des biens matériels, d’avoir leurs tribunaux largement indépendants (sauf en cas de crimes), de jouir de toutes leurs libertés et coutumes et de vivre selon les préceptes de la loi juive. Cela ressort de la charte octroyée en 1201 par le roi Jean Sans Terre, qui ne fait que confirmer aux juifs de son royaume le droit de tenir de nous tout ce qu’ils tenaient du roi Henri, le père de notre grand-père. Parmi les droits énumérés dans cette charte, on trouve une exonération de tous les droits de péage et de douane, qui souligne le rôle que les juifs rouennais jouaient dans le commerce maritime entre l’Angleterre et la France.