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<strong>LE ROYAUME JUIF DE ROUEN</strong>

La résurgence d'une communauté disparue

Ce manuscrit hébraïque, provenant de la guenizah (= dépôt d’archives) du Caire, a permis au professeur Golb de retrouver la transcription exacte de Rodom (RDWM) et, à partir de là, de mettre peu à peu en lumière la riche culture juive associée à la ville de Rouen depuis le Moyen Âge.

L’installation des juifs à Rouen remonte à la colonisation romaine, aux tout premiers siècles de notre ère. Cette présence fort ancienne est attestée par la situation du quartier juif, en plein cœur du castrum romain, et par celle du cimetière juif, à proximité immédiate des sépulturesCe manuscrit hébraïque, provenant de la guenizah (= dépôt d’archives) du Caire, a permis au professeur Golb de retrouver la transcription exacte de Rodom (RDWM) et, à partir de là, de mettre peu à peu en lumière la riche culture juive associée à la ville de Rouen depuis le Moyen Âge. romaines retrouvées au nord du mur d’enceinte. Cette installation était encouragée par le pouvoir romain, qui voulait conforter la conquête militaire de la Gaule par une implantation démographique.

Une réunion tenue en septembre 1976 en présence du professeur Golb -assis à droite de M. Georges Duval, architecte en chef des monuments historiques et du professeur Robert Aubreton (debout)- conclut à la nécessité de dégager le mur est pour savoir si on est en présence d’une synagogue, thèse avancée par Bernhard Blumenkranz du CNRS, ou d’une école rabbinique, comme le prétend Norman Golb. Les fouilles du printemps 1977 ne révèleront aucune abside étayant la thèse de la synagogue.

Originaires d’Italie et, plus anciennement, de Palestine (qui faisait alors partie de l’empire romain), les juifs vivaient en communautés semi autonomes, disposant de leurs propres tribunaux, jouissant de leurs propres institutions sociales et pratiquant une religion reconnue par le pouvoir en place. La présence à Rouen de cette communitas judaeorum s’est maintenue de manière continue pendant un millénaire, jusqu’à l’expulsion des juifs de France par Philippe le Bel en 1306, puis de manière discontinue ensuite. Le premier événement notable dont l’histoire ait conservé une trace écrite ne remonte toutefois qu’à l’an 1007, quand Robert Le Pieux, le fils d’Hugues Capet, décida, trois siècles avant Philippe le Bel, d’extirper le judaïsme du royaume de France.

C’est grâce aux travaux de l’historien paléographe américain Norman Golb, mondialement connu, que l’on a découvert le rôle fondamental que les juifs de Rouen ont joué en Occident au Moyen Âge. Spécialiste de l’étude des manuscrits hébraïques, il a montré que l’expulsion des juifs de France en 1306 avait rendu hasardeuses les traductions postérieures de français en hébreu et relevé les constantes erreurs de transcription que le nom de Rodom (= Rouen) avait subies dans les manuscrits et ouvrages hébreux ultérieurs.

Au Moyen Âge, Rouen s’appelait Rodom, comme le montrent ces deux monnaies carolingiennes du trésor de Saint-Taurin, portant le toponyme ROTOM CIVIT et RODOM CIFIT.

L’expulsion des juifs de France en 1306 explique la déformation qu’allait subir la transcription hébraïque de Rodom (RDWM) et la confusion qui allait s’instaurer avec les villes de Dreux (DRWS), Rodez (RDWS) et Troyes (DRWYS).

L’expulsion des juifs de France en 1306 explique la déformation qu’allait subir la transcription hébraïque de Rodom (RDWM) et la confusion qui allait s’instaurer avec les villes de Dreux (DRWS), Rodez (RDWS) et Troyes (DRWYS).
Paris-Normandie, 18 septembre 1976

Il a ainsi pu expliquer la complète occultation dont la communauté rouennaise avait été victime jusqu’à ce qu’il la ressuscite, d’abord dans un ouvrage en hébreu paru en 19766, puis dans Les Juifs de Rouen au Moyen Âge, portrait d’une culture oubliée paru en 1985. Travaillant à partir de nombreux manuscrits jusque là inexploités, il a fait resurgir de l’oubli l’histoire de la communauté juive rouennaise, particulièrement au cours des trois siècles qui vont du pogrom de 1007 à l’expulsion de 1306.

Ses recherches ont précédé puis coïncidé avec la mise à jour, lors de fouilles archéologiques, de deux édifices rouennais majeurs, l’un universitaire, l’autre privé, qui sont venus confirmer en tous points ses analyses.

Dès 1976, il a ainsi pu identifier comme une école des hautes études rabbiniques l’édifice monumental, datant du début du XIIe siècle, qui venait d’être découvert par hasard sous la cour du palais de justice, au nord de la rue aux Juifs, et qui constitue le plus ancien monument juif de France.

Puis, en 1982, était découvert au sud de cette même rue l’important hôtel de Bonnevie qui, au XIIe siècle, à la fin du règne des Plantagenêt, avait appartenu au juif probablement le plus puissant de Normandie. Là encore, c’est à Norman Golb que l’on doit l’identification du bâtiment.

M. Jean Lecanuet, maire de Rouen, M. Jacob Kaplan, grand rabbin de France, et M. Salomon Perez, rabbin de Rouen, étudient un graffiti découvert sur le monument en 1976.

Texte établi à partir des ouvrages de Norman Golb, Les Juifs de Rouen au Moyen Âge, Portrait d’une culture oubliée et The Jews in Medieval Normandy, a Social and Intellectual History